samedi 1 septembre 2007

Les yeux de méduses

Les yeux de méduses
2007
collage de photographies

mercredi 1 août 2007

Chytros

Série photographique de 2007 intitulée Chytros,









dimanche 1 juillet 2007

Malédictions

Malédiction I (océan)
2006
encre de Chine sur papier aquarelle Arches satiné
76 x 56 cm



Malédictions II (pluie)
2006
encre de Chine sur papier Arches aquarelle satiné
76 x 56 cm



Malédiction III (vent)
2007
encre de Chine sur papier Arches
56 x 76 cm


dimanche 24 juin 2007

Interview pour internet

Interview réalisée en juin 2007
par Guy Jacquemelle pour le site internet
www.lesartistescontemporains.com


" C'est lors du Show Off 2006, à l'Espace Cardin à Paris, que nous avons découvert le travail de Julie Faure-Brac, une jeune artiste de 26 ans. Elle y exposait les Humanimaux, des créatures hybrides aux têtes de sangliers et aux corps humains.
En mai 2007, nous l'avons revue à la galerie Eric Mircher à Paris. Elle y présentait Monde Autre. On y retrouve un univers fascinant, mêlant le naturel et le surnaturel, le réel et l'imaginaire, la vie et la mort, la candeur et les phantasmes, le conscient et l'inconscient...
Le travail et l'univers de Julie Faure-Brac nous ont séduit. Nous avons souhaité vous la présenter."

1/ Quand et comment est né votre désir de devenir artiste ?
J’ai toujours pratiqué les arts plastiques depuis que je suis enfant, avec passion et enthousiasme. J’ai été encouragée par mes parents à poursuivre. J’ai passé un Bac littéraire arts plastiques puis ai suivi 5 années aux Beaux Arts de Reims. C’était comme une sorte d’évidence ; je ne m’imagine pas faire autre chose aujourd’hui.

2/ Quels ont alors été les moments décisifs de votre parcours artistique ?
Je réalise l’importance de l’impact sur mon travail des rencontres que j’ai pu faire à l’Ecole Supérieure d’Art et de Design de Reims. Avec François Quintin, directeur du FRAC Champagne Ardenne, avec les artistes professeurs ou avec le travail d’autres artistes.

3/ Quels sont le ou les artiste(s) qui vous ont le plus marqué lorsque vous étiez adolescente ou étudiante ?
J’ai d’abord été bouleversée par la lecture de Georges Bataille (aussi bien les romans que les essais) qui m’a accompagnée pendant une bonne partie de mes études à l’ESAD. Et puis il y a eu le visionnage de Cremaster 4 (sur l’île de Man) qui m’a hypnotisée. L’œuvre entière de Matthew Barney, ainsi que celle de Kiki Smith, Jérôme Bosch et Goya m’inspirent beaucoup.

4/ Votre travail comprend à la fois  des vidéos, des sculptures et des eaux fortes… Comment alliez vous ces différents modes d’expression  et que vous apporte chacun d’eux ?
J’allie ces différents médiums en construisant un univers personnel que j’appelle Monde Autre où tous les éléments se répondent : que l’on soit face à une petite gravure ou devant une installation en 3D, on reconnaît toujours des éléments communs (matières, personnages, environnements, symboles…) qui forment une sorte de toile, de réseau reliant chaque pièce. Le choix du médium se fait après l’imagination d’un projet, d’un phantasme. Il se fait en fonction de ce qu’apporte chaque médium : La vidéo est le moyen d’explorer les environnements qui me nourrissent, comme la forêt. C’est le seul médium que j’utilise qui m’apporte la couleur, le mouvement, la notion de temps et de répétition.
Dans la gravure ou le dessin je me projette dans un imaginaire où il n’y a plus de soucis de réalisme : les contraires s’annulent, le phantasme a tous les droits. Dans les wall drawings, j’aime l’idée que le spectateur peut se projeter dans l’espace du dessin et pénétrer le monde imaginaire dessiné. C’est le même sentiment dans les installations de sculptures : je veux engager le spectateur dans l’œuvre et le faire expérimenter l’espace d’exposition.

5/ En 2005 vous avez présenté les humanimaux à la galerie Eric Mircher à Paris . Comment est née l’idée  de ces créatures hybrides aux têtes de sangliers et aux corps humains ?
J’ai d’abord souhaité créer un monde sauvage, dans la nature, sans civilisation. J’étais fascinée par les sangliers, j’en ai vu plusieurs fois en forêt et en ai imaginé beaucoup. J’ai effectué une personnification de ces animaux en créant des personnages hybrides : ce sont des sortes de chamans, d’esprits, de sorciers, des demis-dieux, pour équilibrer le monde des humains. Ce sont des psychopompes, ils facilitent le passage entre le monde des humains et un au-delà.

6/ Les humanimaux sont-ils une évocation d’où nous venons ou une projection de ce que nous devenons ?
Un peu des deux : ils représentent à la fois la sagesse et la sauvagerie : par leur attitude tranquille, ils paraissent sereins, sages, observateurs ; mais ensuite on les voit boire le lait, résultat de la dépouille des humains qui se liquéfient. Ils viennent recycler les restes de nos déchirements. Ils nous rappellent notre nature animal et font de nous, pauvres bêtes, des hommes.

7/ Votre univers est peuplé d’êtres hybrides mi hommes-mi animaux. Certains meurent, d’autres renaissent. Que représente pour vous ce cycle ininterrompu de la vie ?
La notion de cycle, de boucle, est constante dans mon travail. Il y a de nombreuses images de mouvements circulaires, infinis, comme ces deux petites barques qui se poursuivent éternellement sur un fleuve « boucle » sans source ni embouchure.
Des personnages meurent ou semblent morts mais il y a toujours une idée de renaissance, de renouveau sous une autre forme. Par exemple j’aime cette légende chez les Esquimaux qui dit que l’âme sort par la bouche du dormeur pour voyager ; elle se matérialise sous forme d’insecte. Dans le dessin Le dormeur du val le dormeur a un petit trou prêt de la bouche d’où s’échappe une mouche. Ce genre de petit détail est essentiel pour moi. Et puis dans l’histoire des Humanimaux, les hommes morts se liquéfient en lait et sont recyclés par les humanimaux qui viennent les laper. Ainsi tout est en boucle…

8/ Votre travail associe le naturel et le surnaturel, le réel et l'imaginaire, la vie et la mort, la candeur et les phantasmes, le conscient et l’inconscient.  Vous semblez fascinée par  les contraires ? 
Il me semble que toutes ces notions se côtoient dans mon travail sans s’opposer forcément. J’aime jouer avec les antagonismes en brouillant les frontières. Je cherche à mettre en doute l’identification de chaque notion, à troubler le cours normal des choses.

9/ Lors de votre dernière exposition Monde Autre à la Galerie Eric Mircher à Paris en mai 2007, vous avez présenté les tarés une fresque qui a impressionné les visiteurs. Pouvez évoquer la création de ces Tarés et ce que cette fresque représente pour vous ?
Il y a un double sens dans le titre qui m’amuse : ces 10 personnages alignés exposent tous un handicap, une tare (un membre beaucoup trop grand, une pilosité surdéveloppée…) si surnaturelle qu’il ne peut s’agir que d’une malédiction, d’un mauvais sort au sens mythologique. Mais au premier regard, ces tarés sont bien des sortes d’idiots qui ont un grain de folie. C’est une photo de famille ironique et grotesque, une galerie de monstres, de « freaks ».

10/ En attendant...  évoque les 2 personnages de Beckett, nus , auprès d’un arbre squelettique dans un univers apocalyptique . Que représente pour vous Beckett et sa pièce en attendant Godot ? Pouvez vous évoquer la genèse de ce tableau ?
C’est en voyant une photographie d’un champ de bataille de Verdun que l’idée de ce dessin m’est venue. Elle montre deux soldats au pied d’un arbre étêté au milieu d’un champ de ruine et de cadavres. La configuration de la photo m’a rappelée le Godot de Beckett. J’y ai vu des points communs, la même absurdité de la situation, la même solitude, le même désarroi. Toutes les réflexions que comprend En attendant Godot, l’attente vaine, la misère de l’homme sans dieu, le cycle ininterrompu des choses, l’intemporalité, sont des thèmes qui me questionnent. Dans beaucoup de mes dessins les personnages semblent attendre quelque chose de mystérieux, en quête de quelque chose, sans savoir vraiment quoi ni où aller.

11/ Vous aimez  citer cette phrase de Deleuze dans sa Présentation de Sacher-Masoch : « Il ne s'agit pas de croire le monde parfait, mais au contraire de « s'attacher des ailes » ; Pouvez vous nous en dire plus sur cette citation ?
« Il ne s’agit pas de croire le monde parfait mais au contraire de « s’attacher des ailes » et de fuir ce monde dans le rêve. Il ne s’agit pas de nier le monde ou de le détruire mais pas d’avantage de l’idéaliser. Il s’agit de le dénier, de le suspendre en le déniant, pour s’ouvrir à un idéal lui même suspendu dans le phantasme. »
Cette citation est pour moi une vision poétique sur le monde ; cela ressemble à ma propre quête. Je ne définie pas mon regard sur le monde comme optimiste ou pessimiste. Je cherche mon idéal ailleurs, dans la création. J’essaie d’éduquer ma conscience à voyager librement vers l’imagination, les phantasmes.

12/ Vous êtes originaire de Charleville-Mezieres, la ville où naquit également Rimbaud . Que représente pour vous  le poète d’une saison en enfer et du Bateau Ivre ?
Rimbaud était constamment en fuite, en quête d’un ailleurs. C’était aussi un marcheur fou, « l’homme aux semelles de vent ». Les notions de fugue et de marche me questionnent et m’attirent. Son œuvre me fascine ; j’aime la folie, la colère, l’ironie, la tendresse qui s’en dégage.

13/ Quels sont vos projets ?
J’ai entamé depuis le début de l’année 2007 un projet assez conséquent ; il s’agit d’une installation d’un dessin animé comportemental. Le projet se nomme Incantations : l’animation mettra en scène trois personnages rentrant en transe progressivement grâce à leurs chants et leurs danses incantatoires. C’est le spectateur, face à la projection de l’animation qui agira directement mais involontairement sur le comportement des personnages.
J’ai travaillé avec des danseurs professionnels, notamment Rachid Ouramdane, et amateurs pour réaliser l’animation des mouvements des personnages.
J’ai bénéficié de l’aide du CNC (DICREAM) et de la DRAC Champagne Ardenne pour réaliser ce projet. Il est en cours de réalisation et verra le jour début 2008 je l’espère.

jeudi 10 mai 2007

Edition d'une gravure

En 2007, je suis invitée à proposer une exposition à la librairie "L'attente, l'oubli"  à St Dizier,
par François Larcelet et Katy Couprie.
Parallèlement à l'exposition, Katy Couprie me propose de produire une édition limitée d'une gravure.
Il s'agit d'un tirage à 10 exemplaires, sur papier BFK Rives.


L'homme ivre d'eau
2007
eau-forte, 15,8 x 22 cm

Prix public: 300 €

samedi 5 mai 2007

Monde Autre présentation

Exposition et Présentation du catalogue Monde Autre

à la galerie Eric Mircher, 26 rue St Claude, 75003 Paris

le 5 mai 2007


photographie: Charles Duprat

Monde Autre

Monde Autre,
catalogue monographique de 68 pages
édité par la galerie Eric Mircher


Disponible à la galerie Eric Mircher à Paris, à la librairie Larcelet de St Dizier, à la librairie Rimbaud de Charleville-Mézières, à la librairie Flammarion du Centre Pompidou à Paris.
Prix : 15 €


Voir mon site pour téléchargement

Graphisme du catalogue et de www.juliefaurebrac.com (2007) : Benoît Wimart.

mardi 1 mai 2007

Texte de Valérie Da Costa



Ailleurs



Le monde dans lequel nous vivons n’est pas propice aux rêves ou peut-être, paradoxalement, l’est-il car sa faible propension à l’évasion est un support idéal pour la quête d’un ailleurs. Le jeune travail de Julie Faure-Brac semble regarder de ce côté-là. Depuis environ trois années, l’artiste a mis en place un travail dessiné, sculpté et vidéo qui est tout entièrement tourné vers la nature et dans lequel elle développe très largement certains de ses archétypes : fertilité, abondance, sustentation. On y voit du lait couler des arbres, des corps (morts) se liquéfier et devenir des points d’eau, des figures qui sont à mi-chemin entre l’homme et l’animal et dont on ne sait trop si elles précèdent ou si elles suivent l’humain. Ce que l’on sait, c’est que ces êtres hybrides, au corps d’homme ou de femme et à tête de loup ou de sanglier, incarnent le cycle ininterrompu de la vie.
Dans ses dessins qu’ils soient à petites ou à grandes échelles, des eaux-fortes ou des wall drawings, ces figures hybrides sont représentées occupées à d’étranges situations : les mains ou la tête plongées dans l’eau d’une nature alpestre, vierge et pure où elles semblent venir se ressourcer. Etonnamment, quand elles ne sont pas saisies dans cet acte animal vital, elles regardent le spectateur et nous prennent à partie pour signifier l’état de leur métamorphose et de leur désormais très énigmatique existence encore humaine (?).
Ces Humanimaux, comme les nomme l’artiste, sont aussi le sujet de ses installations sculptées. Proches d’une esthétique hyperréaliste, ils sont envisagés grandeur nature, en plâtre, selon la technique du moulage avec laquelle l’artiste joue pour affirmer leur identité sexuelle.
Cet hybride convoqué est d’autant plus surprenant que Julie Faure-Brac renoue avec un langage absent de la création contemporaine, semblant ainsi poursuivre une généalogie de formes et de figures que les surréalistes, puis certains artistes des années cinquante, telle Germaine Richier, ont contribué à développer.
La métamorphose qui est à l’œuvre est une forme de continuité entre le naturel et le surnaturel, selon la notion antique de thaumata (« chose étonnante ») car il s’agit bien ici d’une rencontre entre le réel et l’imaginaire. Ces Humanimaux sont les esprits réincarnés des hommes morts de leurs violences, et la nature est là pour les protéger de leur destruction. On pense inévitablement à la quête utopiste de Jean Arp et Sophie Taeuber-Arp, qui pendant la Première Guerre mondiale, à Zürich, défendaient l’idée que seule la nature pouvait sauver l’homme de la folie de la guerre, et faisaient ainsi entrer dans leur répertoire formel des motifs organiques.
Les œuvres de Julie Faure-Brac s’intitulent Lape moi, Mate moi, des mots d’ordre ou invitations impératives qui soulignent la part sexuelle suggérée de manière omniprésente dans ses réalisations. D’autres, La rivière des morts ou Le lac des morts qui indiquent que ce travail regarde aussi du côté du symbolisme, des eaux troubles et noires de Böcklin et de son Ile des morts ou encore des visions nocturnes des peintures de Degouve de Nuncques. Une rencontre qui ne manquera pas de surprendre quand on sait que la jeune artiste affectionne la lecture de Sade, de Sacher-Masoch et de sa Vénus à la fourrure, soit la confrontation de mondes où les forces obscures expriment les pulsions du corps et de ses désirs. En exergue à son travail, elle aime citer cette phrase de Deleuze dans sa Présentation de Sacher-Masoch : « Il ne s’agit pas de croire le monde parfait, mais au contraire de « s’attacher des ailes », et de fuir ce monde dans le rêve. Il ne s’agit pas de nier le monde ou de le détruire, mais pas davantage de l’idéaliser ; il s’agit de le dénier, de le suspendre en le déniant, pour s’ouvrir à un idéal lui-même suspendu dans le phantasme. » C’est dans l’univers mystérieux de la forêt - qui lui est familier et appartient à son quotidien - que Julie Faure-Brac ancre les sources de son travail et qu’elle situe ses histoires de transmutation, là où ses êtres à la double identité incarnent à la fois Eros et Thanatos, le plaisir et la souffrance.



Valérie Da Costa

Texte de Gaël Charbau



Dessin avec le ventre



Au centre d’un paysage de collines hostiles, où les arbres semblent avoir été arraché comme de la mauvaise herbe, deux personnages debout, nus et à l’allure primitive. Entre eux, un arbre sans feuille dont les branches courtes se tordent dans un ciel transparent. De son tronc noueux coule un liquide blanc, que l’un des personnages accueille dans ses mains jointes. En dessous un marre est formée, elle baigne les individus jusqu’aux genoux. De part et d’autre, deux amoncellements de terre noire, de racines et de corps, coupés par les bords de la feuille. En attendant… 2006 (30X42cm) est à la fois inspiré d’En attendant Godot de Beckett, et d’une photo prise à Verdun en 1916 montrant deux soldats les pieds dans la boue.
Mais au fond, peu importe l’origine des dessins de Julie Faure-Brac, ils frappent d’abord l’imaginaire à la manière d’un fantasme, pour peu que l’on puisse ainsi reconnaître un fantasme : une scène, des personnages, une action, un affect dominant, et la présence symbolique d’une partie ou d’une fonction définie du corps. Ils sont presque toujours traversés d’insinuations érotiques (tour érigée bordée par de l’herbe – ou des poils, « cratère » remplit de liquide blanc, omniprésence d’orifices, de terre, de bouches, personnages qui urinent…

Dans Fissures, 2006, dont la composition relativement symétrique est comparable à En attendant…, deux personnages sont cette fois présentés de dos. Ils contemplent une source laiteuse qui longe les collines depuis la base d’un sapin jusqu’à un petit lac. Au premier plan, deux masses rocheuses nous séparent de la scène à la manière d’un rideau de théâtre. A mesure que je regarde ce dessin, je ne peux m’empêcher de comparer ces deux roches à deux « fragments » de cuisses, ouvertes, dont le centre (le sexe) serait en tension avec les personnages, le lac laiteux, la rivière, puis l’arbre plus loin. Dans cette hypothèse, il s’agirait d’un sexe de femme. Rien ne permet de le vérifier. Le dessin semble avoir été composé plan par plan, avec cette dimension suffisante laissée au hasard et à l’inconscient pour qu’apparaisse ce « monde-autre », cher à l’artiste, ce monde de projection que notre langage cherche à recoudre.

Le dessin, en particulier en noir et blanc, est certainement dans l’air, mais la pratique de Julie Faure-Brac est suffisamment inspirée pour passer au-dessus des tendances. Il s’agit d’un style de dessin quasiment sans ombre, souvent composé de petits traits immobiles, précis, à l’épaisseur uniforme. Dans les oeuvres avec « paysage » par exemple, ces petits traits occupent généralement l’espace comme le ferait une barbe de trois jours, poussant avec une obstinée régularité sur le support.
En ce qui concerne l’objet du travail, il est, me semble-t-il, exactement porté par la technique simple et épurée qu’utilise l’artiste : ce sont nos corps pleins de poils de cheveux et d’animalité que Julie Faure-Brac représente, notre trop-plein de corps, pas celui des magazines et des retouches, mais ce corps sauvage et fou, proche de l’animal, inscrit dans la nature, agissant avec la nature, fasciné par la nature, omniprésent même lorsqu’il n’est pas directement représenté.
Derrière l’apparente légèreté de la facture des images –on pense bien sûr au dessin d’illustration pour enfant, avec cette pointe de naïveté et de tendresse- c’est souvent une violence profane qui est en jeu. Julie Faure-Brac fouille les souches de récits fondateurs, qui croisent la figure de l’animal, de la sexualité, de la mort ou de la cruauté. Dans « les mangeurs de branches », par exemple, deux personnages pissent et pleurent en dévorant un arbre. On ne sait pas très bien si ils jouissent ou si ils souffrent.
Or c’est justement ce que l’artiste parvient le mieux à nous donner : le sentiment d’être témoin d’un culte dont les coutumes seraient intimement liées à la pratique du dessin lui-même, où les figures se plieraient non seulement à l’imaginaire et à la volonté de celle qui les crée,  mais aussi et surtout à la pulsion même du corps, bien réel, qui les dessine.

Gaël Charbau





Texte de François Quintin



Quelques mots sur une œuvre en devenir



J’imagine. Une salle noire. J’entre. Une image noire et blanche, format paysage, comme au cinéma. Des êtres à peine humains, trois ou quatre, dessinés au trait, se meuvent, indolents,  isolés, sur une île à peine plus grande que leurs gestes. Je m’approche. Les personnages s’animent de plus en plus, comme s’ils sentaient ma présence inopportune. Je suis saisi par la précision des mouvements, et la grâce des gestes. Très vite, les visages se déforment, les bras et les jambes sont pris de convulsions, les poils poussent, les sexes se métamorphosent, passant du féminin au masculin, ou inversement. Le bruit, les cris, les rythmes m’oppressent. Tout concourt à me faire fuir. L’œuvre me rejette. L’excitation montante des corps pris dans des tourments chamaniques attaque violemment les conventions sociales qui m’avaient pourtant amenées sereinement jusqu’à ce musée, viole ma bonne éducation urbaine, entache la représentation hédoniste et rassurante que je m’étais faite de ma sexualité.
Julie Faure-Brac est depuis longtemps attirée par ces rites de possession, cette proximité spectaculaire de l’extatique, du sacré et de la sauvagerie. Avec le danseur/chorégraphe Rachid Ouramdane, Julie Faure-Brac met en œuvre un vocabulaire grotesque de la démence, un inventaire improbable de la bestialité contenue ou réprimée qu’on aura crainte de reconnaître. Il y a dans ces Incantations la mise en crise des convenances, des barrières que la vie sociale impose arbitrairement, au nom d'une violence plus grande encore : les bonnes manières. Mais le désir à l’état brut est une matière hybride,  « transgenre » dirait-on. Le corps dans cette possession devient l’expression d’une scission. C’est le théâtre intime où l’épouvante et la jouissance se confondent, le lieu aussi du surgissement fragile de toute création. Georges Lapassade, philosophe, spécialiste des rites de possession, et membre fondateur du fameux Living Theater a dit à propos de la dissociation que la psychanalyse a tant cherché à traduire en terme de pathologie, qu’elle a été pour lui une ressource dans son travail d’ethnologie, mais aussi dans son esthétique du théâtre, et que « nous naissons dissociés [et] nous passons notre temps à construire et reconstruire notre identité. » Les Incantations de Julie Faure-Brac montrent un état de suspension, une île où des être sans identité sont la proie de cette mutation obsédante du corps par la grâce de notre seule présence, comme sous l'influence secrète de nos désirs muet.



François Quintin



 

vendredi 13 avril 2007

Expo Les Malédictions

Exposition personnelle, intitulée Les Malédictions, 
à la librairie "L'attente, l'Oubli" de François Larcelet à St Dizier
du 13 avril au 13 mai 2007



"Des monstres, des bouts de terres émergés, des espaces inconnus, des hommes aux cheveux longs, très longs, des poils… Beaucoup de poils.
Quel monde étrange et fantastique nous est offert dans cet espace ?...
Un indice nous aide dans notre perplexité : le titre de l’exposition, Les Malédictions.     Mot qui nous renvoie à la mythologie grecque, à la Bible, à la science fiction, au moyen âge et à la sorcellerie, au chamanisme… C’est de tout cela que s’inspire l’univers de ces dessins.
La partie visible des malédictions mystérieuses qui ont frappées cette fresque murale et ces trois dessins Malédictions de 56 sur 76 cm, est le résultat ou le devenir de sorts visiblement absurdes et troubles. Les cheveux et poils des hommes semblent pousser en quantité anormale. Il en pleut même parfois. Ils ne sont plus un atout érotique séduisant mais deviennent plutôt mortels et envahissants. D’un autre côté ils sont un atout graphique et esthétique pour l’œuvre. La pratique du dessin de poils est poussée à l’extrême et est assumée autant que l’animalité et l’aspect sauvage de l’homme sont revendiqués. Un autre point important dans la présence de ces cheveux-poils : ils symbolisent d’une certaine manière le temps qui passe et s’éternise ou le temps et l’action figés, suspendus… alors que seuls ces milliers de petits traits noirs semblent en mouvement…
Dans Presque îles, une autre malédiction que celle des cheveux-lianes a pris possession de l’espace : la présence de l’eau sur la totalité des murs ne paraît pas naturelle : les quelques îles en surface ne sont pas celles dont on rêve mais plutôt des signes d’une métamorphose inquiétante : les morceaux de terres presque engloutis s’animalisent. Voici q’apparaît la baleine. Plus loin une sorte de trompe absorbante. Et puis est-ce un rocher ou le dos grassouillet d’un des monstres obèses sortant de l’eau… ?
On dirait que tout concourt à devenir monstrueux et à nous effrayer par ses formes. Les terres deviennent organiques et vivantes pendant que les corps sont éteints, endormis. Toutes les compositions possèdent ce même aspect angoissant, asphyxiant mais absurde et burlesque aussi. Il s’agit justement de jouer avec notre attirance/répulsion face à des figures hybrides,  monstrueuses, des paysages hostiles, des matières que l’on a l’habitude de vouloir éradiquer de notre corps. En le faisant avec humour et légèreté si possible…
Il n’est pas absolument nécessaire de chercher à reconnaître un message dédié à notre société mais il est préférable de se laisser emmener, voguer vers un univers imaginaire où se mêlent personnages de la littérature enfantine et fantasmes d’adultes, où se mélangent rêves et cauchemars, où l’on fait des allers-retours constant entre Monde-ci, le nôtre, et un Monde Autre…  "





vendredi 5 janvier 2007

Des êtres fabuleux...

Les trois grasses dévoreuses
2006
eau-forte, 14,7 x 19,8 cm


Le rocher volant
2007
eau-forte, 10,5 x 10,5 cm


Madeleine
2007
eau-forte, 15,7 x 7,8 cm


mardi 2 janvier 2007

Images du projet Incantations

Incantations,
projet d'installation mutimédia et interactif
sur le thème de la transe, avec la participation de Rachid Ouramdane.

Le projet "Incantations" met en scène un petit groupe de trois personnages, nus, se mettant en transe progressivement grâce à leurs danses et à leurs chants incantatoires.
Dans leur transe, leur corps, leur visage se libèrent, évoluent vers quelque chose de bestial, à la limite du monstrueux.
Ils se trouvent sur une toute petite île rocailleuse, sorte de limbes, lieu inatteignable, clôt, un espace uniquement dédié au rituel, à la transe.
"Incantations" se présente sous forme d'une grande projection vidéo, dans une salle noire, profonde, d'une animation dessinée au trait en noir et blanc, sonore.


Avec le concours de la DRAC Champagne Ardenne et du DICREAM du CNC.


Voir texte de François Quintin, publié dans le catalogue Monde Autre, qui parle de ce projet.